/OVERTIME/ Nicolas De Jong met un terme à sa carrière de basketteur

28 juin 2023
Nico De Jong Visuel vf

Clap de fin pour Nicolas de Jong qui met un terme à sa carrière de joueur professionnel après 14 saisons dont 13 en LNB.

L’occasion de revenir sur sa carrière en France et son expérience à l’étranger mais également de le questionner sur sa vision du basket professionnel et sur ses futurs projets.

 

Salut Nicolas, merci de nous accorder un instant pour discuter !

Salut Arthur,

Avec plaisir, j’allais à ma séance de musculation tu vois ! Les habitudes ont la vie dure (rires).

 

Moi qui croyais que tu allais enfin prendre un peu de repos (rires).

Tu as donc annoncé que tu mettais fin à ta carrière cette saison. Tout d’abord comment te sens tu ? Quel est le sentiment qui prédomine ?

On va dire que c’est un sentiment un peu ambivalent parce qu’il y a de la déception sur le collectif, parce qu’on n’a pas pu aller, de peu, jusqu’à la finale qui était notre objectif et pour autant, c’était quand même une belle année.

Personnellement, j’ai fini un peu dans le dur physiquement, c’est aussi pour ça que j’ai choisi d’arrêter ma carrière mais j’ai pris du plaisir jusqu’au bout.

Donc là, j’ai vraiment réussi à couper avec le basket pendant quelques jours, même si du fait de ma reconversion, tout s’est vite enchaîné avec mon futur travail d’assistant coach.

 

Oui, c’est plus facile de dire que l’on va couper que de le faire !

Je pense que lorsque l’on a la passion de ce sport, couper c’est aussi arrêter d’évoluer dans ce monde-là donc c’était important pour moi d’enchaîner avec cette prise de poste, mais cela doit rester un plaisir. Il faut quand même garder à l’esprit qu’on fait quand même de notre job une passion qu’on soit, joueur, coach ou general manager. Après 15 ans de carrière, les vacances c’est un peu entre guillemets de toute façon. (Rires)

 

15 ans, ce n’est pas rien ! Comment tu regardes ta carrière justement ? Tu as commencé à prendre du recul sur ta carrière mais aussi sur toutes les choses que tu as pu vivre grâce à elle ?

Pour le coup, ce process de prendre du recul, je l’ai entamé depuis décembre avec Boulazac. Nous avons pensé cette reconversion ensemble.

Je suis extrêmement fier de ma carrière, pas uniquement par l’accomplissement individuel, parce que je suis conscient qu’il y a des gens qui ont beaucoup plus réussi que moi, mais plus par le fait que je suis allé au bout du bout des choses, au bout de moi-même. J’ai fait le maximum avec les cartes que j’avais, c’est à dire un corps capricieux, de nombreuses blessures mais aussi du talent dans les mains, un toucher de balle.

Alors oui, si je ne m’étais pas blessé au genou à Strasbourg, je pense que j’aurais eu une courbe de carrière différente, mais bon, ce sont des choses qui arrivent dans le sport de haut niveau. Ça fait partie d’une carrière et je me suis acclimaté à ça.

Donc je retiendrai surtout que je n’ai jamais triché et que je suis allé au bout des choses.

 

Et puis tu as connu de nombreux clubs, pas mal de coéquipiers et même une expérience à l’étranger…

C’est vrai que j’ai connu beaucoup de coéquipiers qui m’ont tous apporté d’une manière ou d’une autre et franchement je suis très content du chemin parcouru.

J’ai eu la chance de pouvoir faire une année en ACB, à Saragosse. Cette année-là, je me suis d’ailleurs dit : « Ah, si j’étais venu avant ! ». Mais bon, avec des « si », on refait le monde et j’étais très content de vivre cette expérience là, ça m’a beaucoup appris.

Honnêtement, je garde une image très positive de ma carrière. Il y a eu beaucoup de souffrance aussi parce que c’est aussi sport de niveau mais je n’ai pas donné ma part au chien. (Rires)

 

En parlant de ton expérience en ACB, qu’est-ce que tu as pu retenir de celle-ci ? Quelles différences as-tu remarqué par rapport à tes saisons en France ?

Pour moi, le championnat espagnol est objectivement meilleur que le championnat français. Mais au-delà de ça, ce qui m’a marqué, c’est la culture du travail et surtout de l’exigence. L’exigence de connaître et d’exécuter les systèmes, l’exigence du travail quotidien, de la performance.

Après, ce qui a changé beaucoup pour moi, et peut-être pour d’autres qui sont partis à l’étranger également, c’est que nous passons d’un statut de joueur local à un statut d’étranger. Il y a une pression qui est différente, on pardonne moins les erreurs, on est un peu plus sur la sellette, on est jugé plus rapidement.

On a aussi moins de délais, au contraire de la France où on va avoir deux ou trois mois pour s’acclimater. Là-bas, il faut performer tout de suite.

Personnellement, j’ai bien aimé parce que c’est aussi ça de progresser dans une carrière. C’est de comprendre qu’on a 25, 30, 32 ou 34 ans, qu’il ne faut jamais s’arrêter de progresser parce que si on arrête de vouloir progresser, on stagne et on est remplacé. Il y a un turnover tellement fort que la concurrence finie toujours par vous rattraper.

Pour ma part, ça m’a fait du bien parce qu’à ce stade de ma carrière, j’avais 28 ans/29 ans, j’avais un job de 6e homme en Pro A, avec beaucoup de responsabilités en attaque mais pas vraiment un job de titulaire. J’avais fait le tour de cette situation.

Partir m’a donné un vrai coup de fouet, m’a permis de trouver des responsabilités. J’ai travaillé sur mon professionnalisme, l’exigence du travail que j’avais envers moi-même. Je me suis rendu compte que le travail n’était jamais fini. J’ai pu voir des joueurs bien meilleurs que moi s’entrainer constamment. C’est là que j’ai vu la différence avec des clubs comme le Réal ou le Barça.

 

Et dans l’optique de ne jamais arrêter de progresser quelle est ta prochaine étape ? Tu es déjà fixé sur tes projets futurs ?

Aujourd’hui, j’ai deux projets, la fin de mes études universitaires et le passage du DES.

Ce dernier se réalise en partenariat avec le BBD,  j’intègre le staff en tant que second assistant du groupe pro.

Et en parallèle, je rentre donc sur un master 2 en psychologie du travail et des organisations.

 

Tu avais donc commencé ce diplôme pendant ta carrière de joueur ?

C’est assez paradoxal. Quand je suis revenu d’Espagne, j’ai finalement eu mon statut de titulaire en Pro A et c’est à ce moment-là que j’ai choisi de reprendre mes études.

Mais pour moi, c’était logique. Notre profession reste celle de basketteur. J’ai donc priorisé mon activité principale. Attention, pour moi les études sont extrêmement importantes et c’est une nécessité de se former durant sa carrière, mais je pense que tout joueur doit d’abord honorer son contrat, le reste doit s’adapter à notre activité de basketteur.

Alors dans mon cas, ça a donné des situations un peu particulières où je passais mes examens dans une pièce à côté du vestiaire parce que l’examen était en même temps que la fin de l’entraînement. J’ai parfois dû venir à la salle à 08h00 pour un examen, puis enchaîner à 10h15 avec l’entraînement pour ensuite passer un nouvel examen à 11h45. Ce n’était pas les meilleures conditions mais j’ai priorisé et me suis adapté en faisant ma licence en 4 ans au lieu de 3 par exemple.

J’avais la chance de pouvoir faire ça à distance. Mais il est certain que lorsque j’avais un examen en même temps que mon entrainement, je priorisais l’entrainement et rattrapais ensuite mon retard dans la semaine.

Alors oui, j’ai fait des concessions mais aujourd’hui je passe en master 2 donc c’est tout à fait faisable.

 

Quel a été ton déclic pour commencer à te former ?

J’ai fait ma reprise des études à 30 ans. Pourtant, c’était le moment où j’avais le plus de responsabilité et où je gagnais le plus d’argent. Donc finalement, je ne pense pas qu’il soit juste de se dire que ça ne nous concerne qu’à la fin de notre carrière.

30 ans, c’était l’âge que je m’étais fixé pour reprendre mes études et je m’y suis tenu.

Ensuite, je me suis posé et me suis rendu compte que mon rythme de joueur avait changé. J’avais besoin de moins de volume d’entrainements et je voulais vraiment réinvestir ce temps dans quelque chose qui me serait bénéfique. D’où ma décision de reprendre les études.

J’ai eu une carrière où je me suis toujours fixé comme objectif de progresser continuellement, ce que j’ai fait jusqu’à ma blessure à Pau. A 22 ans, avec le rythme que j’avais, c’était impossible pour moi de faire des études! C’est d’ailleurs un conseil que je donnerai, formez-vous mais faites-le si vous avez le temps de vous investir dans un tel projet et priorisez votre carrière mais n’oubliez pas de penser à l’après et de rester ouvert à ces sujets.

 

J’imagine que c’est une vraie fierté pour toi de terminer ce cursus tout en ayant pu aller au bout de ta carrière de basketteur ?

Oui, je suis très fier de l’avoir fait mais aussi très fier d’avoir respecté mon travail, c’est à dire que lorsque je ne pouvais pas faire mes études, je ne l’ai pas fait et j’ai accepté de m’adapter et que cela prenne plus de temps.

Pour moi c’est très important car quelquefois, dans certains clubs, on retrouve cette opposition entre joueurs et staffs.

Le coach ne comprend pas forcément pourquoi son joueur est moins impliqué dans le projet sportif et le joueur ne comprend pas qu’il y ait autant d’appréhension dans son projet de formation. Les choses doivent être lisibles. Ce genre de projets doit être fait avec le club et le joueur doit faire comprendre en quoi c’est important pour lui.

Et je recommande à tout joueur de se lancer, parce que vivre uniquement basket, c’est bien, mais on a quand même beaucoup de temps de repos et il faut savoir le mettre à profit, ne serait-ce que pour ouvrir son esprit à autre chose.

 

Justement, est-ce que tu as senti que ton double projet t’apportait quelque chose dans ton quotidien de sportif de haut-niveau, qu’il t’apportait un équilibre ?

Effectivement, peut-être pour évacuer les sentiments que l’on développe avec le basket et qui peuvent parfois nous bouffer comme le stress, ou encore la nécessité de performance, de faire des stats.

Cela te permet de ne pas trop ressasser tout ça car il faut penser à autre chose, les cours ou les exams. C’est aussi du stress mais différent. On doit switcher dans un mode de pensée qui est autre.

De mon côté, j’ai toujours aimé les études et reprendre n’a pas été trop compliqué. Mais je sais que ça peut l’être pour certains. Il est donc nécessaire de ne pas oublier à quel point c’est important.

Je vais faire un peu le vieux là mais si vous n’avez rien à côté et plutôt que de jouer toujours à la PlayStation, commencez à y penser !

Nous faisons un métier où nous avons tendance à beaucoup ressasser les choses et les études, ça peut vous permettre de briser cette routine, notamment les spirales négatives qui peuvent se mettre en place après plusieurs défaites ou contre-performances.

 

Est-ce que tu as senti ton club réticent concernant ton projet de formation ?

Pas du tout! Quand je suis arrivé au club, mon projet était clair. Ma priorité restait le basket, avec à côté mon envie de me former. Je n’ai donc demandé aucun aménagement au staff et je pense qu’en trois ans, j’ai dû décaler un entrainement du matin à l’après-midi mais c’est tout.

Mon principe a toujours été de respecter mon contrat de travail, mon club mais aussi mes coéquipiers. Il était hors de question de me désengager de mes obligations professionnelles.

Du coup je me suis tenu à ma parole, j’ai tout fait pour mon projet de formation n’impacte pas ma carrière de joueur et je n’ai jamais eu aucune réflexion par rapport à tout ça !

Je pense qu’on ne peut pas tout avoir et pouvoir valider mes diplômes en plusieurs années a été un vrai plus. Il ne faut pas oublier que ce qui nous fait manger à la fin du mois, c’est notre contrat de basketteur et c’est pour ça que j’ai décidé de le prioriser.

C’est peut-être un peu pragmatique mais c’est ma vision des choses. On ne peut pas toujours tout faire et il faut parfois être prêt à faire certaines concessions.

 

Et en quoi consistera ton futur poste de 2nd assistant au BBD la saison prochaine ?

Pour ce qui est de ma fonction de 2nd assistant, elle est assez transversale. Je vais m’occuper du développement des joueurs intérieurs et de la vidéo sur le groupe pro et d’une partie des entrainements collectifs sur le groupe espoir.

 

Maintenant que tu passes du côté staff technique, notamment avec les espoirs, que penses-tu de la formation française et des départs des jeunes joueurs vers des clubs étrangers ?

Je trouve que la formation française est vraiment très bonne et les résultats des équipes nationales le prouve. Nous avons de très bons jeunes joueurs.

La différence sur la formation se fait lors du passage d’espoir à pro. Il y a une différence criante entre les structures. Par exemple, certains vont être équipés avec un staff consacré au développement des jeunes joueurs. Je pense notamment au travail de Joseph Gomis à l’ASVEL, qui va concerner les jeunes joueurs mais aussi les joueurs confirmés. Cela à son importance car c’est quelque chose que j’ai pu remarquer, certains joueurs après 25, 26 ans ne travaillent plus individuellement parlant.

Alors évidemment, je suis conscient que certains clubs n’ont pas les moyens financiers ou humains pour investir à ces postes là, mais le résultat c’est que l’on se retrouve avec des joueurs qui ne progressent plus après un certain âge.

J’ai pu voir cette différence dans ma carrière. Je sais que par exemple quand j’étais à la SIG, j’ai énormément progressé avec Vincent Collet alors que j’avais 24 ans.

Encore une fois, je sais que les clubs font ce qu’ils peuvent avec leurs moyens mais du coup, le réflexe des jeunes joueurs de 25 ans va être de dire : « Maintenant, mon niveau de jeu va dépendre de l’utilisation que le coach fera de moi ». Et c’est totalement faux ! On peut toujours progresser !

Et c’est d’ailleurs ce qui m’a poussé à me reconvertir dans le coaching. Il faut qu’on s’occupe de ces joueurs là pour que lorsqu’ils arrivent à 25 ans dans un club, ils ne repartent pas 2 ans plus tard sans avoir progresser.  Il ne faut pas qu’ils se disent, « ça s’est mal passé parce que le coach ne m’a pas utilisé » mais plutôt « Ai-je progressé en tant que joueur professionnel pendant ces années? ». Et cela relève de la responsabilité du club mais également de la volonté du joueur à travailler.

Le meilleur exemple que je puisse donner, c’est mon ancien coéquipier à Saragosse, Gary Neal, Champion NBA avec les Spurs et meilleur scoreur ACB l’année où j’y étais. Il arrivait tous les jours une heure avant à la salle et ce mec là, il a progressé tout au long de sa carrière.

Donc pour répondre à ta question, je pense que si les jeunes joueurs partent à l’étranger aujourd’hui, c’est peut-être parce qu’ils se sentent plus progresser ailleurs et qu’on leur permet plus de travailler sur leur projet sportif.

 

Et quels seront tes objectifs en tant que formateur ?

Mon objectif principal en tant que membre d’un staff d’une équipe professionnelle, ce sera de m’assurer que lorsque les joueurs repartent à la fin de la saison, ils aient acquis des compétences ou progressé dans certains secteurs de leur jeu. Ce qu’ils auront acquis avec moi ou un autre, ils le garderont jusqu’à la fin de leur carrière et ce sera une vraie satisfaction.

Il ne faut pas oublier que les joueurs et les coachs sont toujours de passage. Il faut donc que ces échanges soient bénéfiques pour tous et si cela peut s’inscrire dans un projet qui ferait grandir le club, c’est encore mieux.

Je pense qu’il faut y aller pas à pas et rester ambitieux pour que tout le monde puisse aller de l’avant ensemble.

 

Merci pour cet échange Nicolas, je ne vais pas plus t’embêter et je te laisse à ta séance de musculation ! Mais avant, est-ce que tu aurais un message à transmettre aux joueurs qui pourraient lire cette interview ?

Le principal message que je voudrais transmettre est que la valeur à privilégier pendant une carrière, c’est celle du travail. C’est la première chose que demanderont les coachs qui vous encadreront pendant votre carrière.

Sachez que le jour où vous serez dans une mentalité d’arriver à la salle pile pour le début de l’entrainement collectif, ce sera terminé. Cela signifiera que vous ne serez plus dans une optique de progresser et comme je le disais précédemment, quand on ne progresse, plus on stagne et on se fait dépasser.

C’est pourquoi je conseille toujours d’être proactif et de s’organiser avec le staff pour travailler.

Faites-le pour vous et ce, quelques soient vos relations avec le club dans lequel vous évoluez !

Dans tous les cas, ce travail c’est le vôtre et c’est à vous qu’il sera bénéfique.

Je peux te donner un exemple, c’est Nadir Hifi. Je ne le connais pas personnellement, mais tous les échos que j’ai pu avoir de lui sont significatifs. Au Portel, c’est lui qui ouvrait et fermait la salle. Et il suffit de regarder comment ça se passe pour lui aujourd’hui… il n’y a pas de secret !

Alors oui c’est difficile, mais si vous n’avez pas cette motivation en vous, rien ne se passera, je vous le garantis.

 

Merci beaucoup Nicolas pour cet entretien très enrichissant sur ta carrière et sur ta vision de la formation. 

Nul doute que cela fera écho aux jeunes joueurs et aux joueurs professionnels qui réfléchissent à l’après-carrière. 

Nous te souhaitons une très belle aventure avec Boulazac et beaucoup de réussite pour ton Master 2.

A très bientôt !

CONTACTS
UTILES

Julie Campassens

j.campassens@snbasket.com
06 60 86 12 23

Arthur Daroux

a.daroux@snbasket.com
06 59 17 98 26

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